jeudi 27 mars 2014

Dallas Buyers Club, de Jean-Marc Vallée (2014)

Dallas Buyers Club, réalisé par Jean-Marc Vallée, avec Matthew McConaughey, Jared Leto, Jennifer Garner (1h57min)

Synopsis

1986, Dallas. Ron Woodroof, 35 ans, ne vit que pour le bull riding, le sexe et la drogue. Sa vie bascule lorsqu'il apprend sa séropositivité, et les 30 jours lui restant à vivre. Face à l'impuissance du corps médical contre cette maladie émergente, il recourt à des traitements non officiels, qu'il va procurer à d'autres malades. Le Dallas Buyers Club est né. Commence alors une lutte acharnée contre les laboratoires pharmaceutiques et les autorités fédérales, le combat du dernier soupir au profit d'une noble cause.

Critique

Réalisateur discret à la filmographie encore timide et restreinte, Jean-Marc Vallée - auteur du puissant C.R.A.Z.Y. - s'attaque cette fois-ci à un phénomène tragique et d'actualité parmi les plus dévastateurs dans le monde : le sida. Traitant d'un sujet dramatique tire-larmes formaté pour les festivals au premier abord, Dallas Buyers Club était avant même sa sortie montré du doigt. A sa sortie, l'engouement intense manifesté par les critiques presse, comme spectateurs, et les quelques récompenses raflées lors des diverses cérémonies du 7e Art - comme les Oscars du meilleur acteur et du meilleur acteur dans un second rôle - ont valu au long-métrage une réputation de film surestimé. Rassurez-vous, il n'en est rien. Le drame tire-larmes a toujours mauvaise réputation dans la cinéphilie mais l'œuvre de Jean-Marc Vallée se révèle absolument magistrale et intense en émotion.

Dallas Buyers Club est un film coup de poing à la fois captivant et bouleversant. Jean-Marc Vallée signe ici son œuvre la plus puissante, tout en veillant à ne jamais basculer dans le pathos facile. Il ne dépeint pas simplement l'histoire - réelle ndlr - d'un malade séropositif décidé à se battre jusqu'à son dernier souffle, il fustige le revers commercial d'une industrie pharmaceutique alléchée par le le profit ainsi que l'impuissance - ou peut-être devrions-nous dire l'indifférence - du corps médical soumis aux autorités fédérales, lesquelles sont davantage préoccupées par les enjeux économiques que médicaux. Le réalisateur surfe également avec subtilité sur des notions encore aujourd'hui tabous comme le débat de l'homosexualité dans la société et sa place dans les mœurs et préjugés. Derrière la maladie se dissimulent habilement des thématiques fortes, conférant ainsi une véritable profondeur - en plus d'une dimension émotionnelle puissante - au film.

Mais le gros point fort de ce drame poignant réside dans le casting, mentions spéciales à Matthew McConaughay et Jared Leto, absolument criants de réalisme et bouleversants. Leurs interprétations sont remarquables, jamais surjouées, parfaitement sincères, et elles transpirent l'authenticité. Le personnage de Ron Woodroof est captivant - presque hypnotique - et nous suivons avec une considération farouche emprunte d'émotion l'isolement social et la rédemption de ce texan à la fois rustre et antipathique mais finalement touchant. L'homme homophobe véritable cœur de pierre, se voyant délaissé par ses proches à l'annonce de sa séropositivité, de par les préjugés sur cette maladie naissante, va gagner en humanité, et livrer le combat de toute une vie aux côtés d'homosexuels, pour sa survie et celles d'autres malades. Cette métamorphose à la fois humaine et physique, est d'une puissance émotionnelle rare.

Au final, Dallas Buyers Club détourne avec subtilité les codes du drame tire-larmes formaté pour les festivals en se montrant politiquement et moralement incisif et raffiné, exhibant avec noirceur crue des sujets tabous et préoccupants de notre temps auxquels la réalisation sobre et l'atmosphère froide s'accordent à la perfection. Le dernier crû Vallée se révèle être un intense et médusant bull riding de deux heures, lâchant avec une énergie inouïe une bombe d'émotion brute, dont on ressort K-O. Magistral.

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