mardi 23 septembre 2014

Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmush (2014)

Only Lovers Left Alive, réalisé par Jim Jarmush, avec Tilda Swinton, Tom Hiddleston, Mia Wasikowska, John Hurt (2h03min)

Synopsis 

Adam et Eve, couple de vampires, mènent une vie partagée entre Tanger et Détroit. Tandis qu'Eve cherche à les approvisionner en sang humain trouvé dans les hôpitaux, Adam se morfond en composant de la musique dans une vieille demeure de Détroit. Le jour où Ava - petite sœur d'Eve - les rejoint, la vie des deux amants devient perturbée...

La critique de Powell

Comment (sur)vivre face à l'immortalité? Telle est l’interrogation principale du nouveau film de Jim Jarmush, un peu comme dans l’immense Broken Flowers - une décennie auparavant où Bill Muray, déprimé, retraçait sa vie en cherchant ses anciens amours - ou encore dans le très moyen Limits of Control.

Ici, pas d’homme dépressif mais des vampires. C’est la grande idée du film, ils ont tout vécu, connaissent tout. Adam, musicien (dépressif) depuis plusieurs siècles, ami de Schubert et Byron, aujourd'hui rocker reclus dans une vieille bâtisse de Détroit, las de sa trop longue vie. Comme dans la Bible, Adam aime Eve, vampire elle aussi. Eve, c’est Tilda Swinton, sublime dans les rues de Tanger, sublime dans les décors vides de Détroit. Inquiète pour Adam le suicidaire, aux mauvaise fréquentations. Ces vampires-là ne tuent pas, ils se fondent dans la masse et boivent du sang trouvé dans les hôpitaux.

Jarmush revient aux fondamentaux du vampire. Exit Twilight, True Blood et tous ces buveurs de sang modernes. Adam et Eve eux sont pâles, aiment la littérature, restant ancrés dans un passé qu'ils considèrent meilleur. Ils fréquentent Marlowe (John Hurt, parfait), toujours resté dans l’ombre de Shakespeare. Au milieu de la déprime d’Adam (Tom Hiddleston, toujours juste), apparaît Ava, sœur d’Eve, pétillante petite vampire, turbulente et inadaptée au XXIe siècle. D'une beauté plastique inouïe, le film progresse lentement, mais on ne s’ennuie jamais, captivés par ses deux immenses acteurs mais aussi par leur histoire et leurs vies antérieures, le tout porté par une BO envoûtante signée Joseph Van Wissem et Sqürl (le groupe de Jim Jarmush).

Jarmush, tout au long de son film, cherche à capter les liens intérieurs au couple. Ce couple qui est l'un des seuls antidotes à l'immortalité, à l'ennui. Mais c'est un couple atypique, qui se délite progressivement, et ne semble pouvoir survivre que par la transgression de leur propres idéaux, transgression menée de main de maître par Jarmush dans une scène finale étonnante de second degré. Comme les deux particules chères à Adam, les vampires avancent ensemble, et Jarmush tisse un portrait atypique et émouvant, celui de l’infini, de l’amour immortel. Il filme ces éternels amants, misanthropes, à travers des villes fantômes, tous deux nostalgiques des époques passées et qui petit à petit voient s’envoler leur idéal de vie. Bientôt, ils ne pourront plus contempler le monde et le temps qui passe, main dans la main car ce monde se meurt, tout comme eux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Contact

Nom

E-mail *

Message *