lundi 20 octobre 2014

Annabelle, de John R. Leonetti (2014)

Annabelle, réalisé par John R. Leonetti, avec Annabelle Wallis, Ward Horton, Alfre Woodard (1h38min)

Synopsis

Suite à l'arrivée d'une étrange poupée dans leur maison, dernière pièce manquante d'une collection déjà bien fournie, le jeune couple Gordon devient victime de phénomènes paranormaux récurrents qui envahissent progressivement leur paisible quotidien...

Prequel du film The Conjuring : Les Dossiers Warren

La critique de Boschomy

On ne va pas se le cacher, Annabelle n'était pas forcément le projet horrifique le plus attendu de ce mois, ni même celui le plus attendu tout court. Qu'il arrive peu de temps après l'entreprenant The Conjuring n'a rien d'étonnant en soi. C'est si peu étonnant que l'on pouvait d'ores et déjà esquisser un sourire en pensant à l'aubaine financière que susciteraient les mésaventures de la sinistre Annabelle qui, en effet, se paye le luxe de faire du coude à coude avec Gone Girl aux États-Unis pour sa première semaine d'exploitation. Mais sans James Wan à la réalisation et avec dans un délai d'exécution bien trop rapproché de son aîné, il y avait fort à parier qu'Annabelle ne puisse s'imposer que comme un film dérivé bancal et opportuniste, petit produit péremptoire à consommer puis à oublier... à moins que sous ses faux-airs, la poupée se révèle plus machiavélique qu'il n'y parait...

La destinée d'Annabelle était d'emblée très claire : prequel de The Conjuring, le film entendait se rallier à la conception de l'horreur héritée de son modèle. C'est d'ailleurs le directeur de la photographie de la plupart des œuvres de James Wan, John R.Leonetti, qui est choisi pour être à la baguette en dépit d'un passif des plus funestes (Mortal Kombat : Destruction finale, L'Effet Papillon 2). Le bonhomme marche sur les pas du papa de Saw au moyen d'une réalisation attentive, d'un montage qui évite les agaçants effets de syncope et d'une préoccupation toute particulière à distiller un climax contracté, sans pour autant céder automatiquement aux jump-scares. Annabelle ne surprend pas de ce point de vue là : nous voici en présence d'un produit sous label, modélisé mais solidement bâti.

Le mimétisme est parfois poussé trop loin, si bien que d'irritants effets didactiques s'immiscent par-ci par-là. Néanmoins, le long-métrage, derrière son statut de The Conjuring par le petit trou de la serrure, dévoile ses propres trouvailles, dont notamment une appropriation plus personnelle des manifestations paranormales : Leonetti aime faire passer le vecteur horrifique au travers d’éléments plus quotidiens, plus triviaux. L'incarnation du mal passe ainsi successivement de la platine vinyle à la machine à coudre ou encore à l'ascenseur, dans une logique de déstabilisation qui s'éloigne des effets stridents propices au genre. Cela répond à une envie plus générale de faire du mal un phénomène plus ambigu, plus imperceptible, plus quotidien mais d'autant plus effrayant.

> Ce n'est pas anodin si l'une des premières scènes du film se conclut sur le meurtre sauvage du couple voisin filmé depuis la quiétude de la fenêtre conjugale adjacente (une scène admirablement bien élaborée, au demeurant). Ce n'est pas non plus une coïncidence si, à de nombreux reprises, l'horreur s'immisce progressivement au centre des relations familiales, sans nécessairement les détruire mais en ne manquant pas de les rendre plus étranges. Il est aussi surprenant de voir que le personnage d'Annabelle ne reste que prétexte tout au long du film : rangée sur une étagère, jetée dans un coin, laissée au dépourvue, la poupée n'est qu'un automate qui observe avec perversité la lutte du couple contre des forces qui les dépasse. Elle ne se transforme pas en tueur sanguinaire et n'est pas l'objet d'une mystification exagérée, ce qui, en définitive, lui confère un charme supplémentaire.

Pour autant, Annabelle a du mal à trouver un équilibre dans son storytelling : entre moments de frisson réellement immersifs et apartés usées d'un scénario trop aminci, le rythme joue sans cesse au yo-yo. L'agencement des meilleures scènes reste relativement logique, ce qui atténue le déséquilibre mais ne l'efface jamais vraiment. La dernière demi-heure recèle d'un paradoxe à ce titre, garantissant l'intensité mais se fourvoyant dans une explosion trop démonstrative de ses talents, défaut que l'on retrouvait déjà dans le film de James Wan. Si ici l'exorcisme ne sera pas de la partie, on s'attriste d'une conclusion au symbolisme racoleur et d'une clausule triviale au possible. Comme souvent dans ces films qui assurent l'aspect pyrotechnique du show, le peaufinement laisse à désirer. Pas de quoi s'indigner mais l'absence d'une solide conclusion tend à diminuer la portée du film : Annabelle n'échappe pas à la règle et en pâtit logiquement.

Il faudra ainsi retenir de ce troisième effort de Leonetti un film relativement débrouillard, même si forcément en deçà de son aîné, qui fait tout un peu mieux que lui, même dans ses plus évidents défauts. Annabelle reste un produit certes labellisé mais qui impose aussi sa vision des choses : dans ce sens, s'il a des airs de The Conjuring, il a également une manière d'appréhender l'angoisse qui le situe entre Dead Silence et Insidious, une bonne chose, en définitive. Il ne s'agit sûrement pas du film d'horreur de l'année mais pas non plus du détestable objet commercial auquel on aurait pu s'attendre, bien au contraire.

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