mardi 9 décembre 2014

Le Dahlia Noir, de Brian De Palma (2006)

Le Dahlia Noir, réalisé par Brian De Palma, avec Josh Hartnett, Aaron Eckhart, Scarlett Johansson, Hilary Swank (2h00min)

Synopsis 

Dans les années 1940, à Los Angeles, deux inspecteurs, Bucky et Lee, enquêtent sur le meurtre sauvage d'Elizabeth Short, une jeune femme qui voulait percer dans le milieu hollywoodien. Derrière une enquête qui semble comme toutes les autres se dessine une machination bien plus obscure, mêlant amour, sadisme, rivalités et rédemption, véritable plongée dans l'envers du paradis hollywoodien, à laquelle les deux acolytes n'étaient pas préparés...

La critique de Boschomy

Quatre longues années après un Femme Fatale en demi-teinte, Brian De Palma entreprend l'adaptation du roman colossal The Black Dahlia de James Ellroy, inspiré de l'affaire du même nom. Au menu, une sombre affaire de meurtre dans l'univers d'Hollywood - baignée dans l'atmosphère grisante du film-noir - remise au goût du jour. Il s'agit d'un exercice plus délicat qu'il n'y paraît pour De Palma : entre une appropriation stylistique toujours affirmée et un récit très alambiqué, le cinéaste accouche d'une œuvre torturée et difficilement qualifiable.

 L'heure est au film noir, à n'en point douter : cavaliers solitaires - bien que formant un binôme - hantés par leurs démons, jeunes prédatrices voluptueuses, atmosphère embrasée, affaires de vices sordides, la liste est exhaustive. De Palma nous replonge dans le meilleur des années 40 hollywoodiennes. Avide d'une reconstitution soigneuse, permise d'emblée par une photographie somptueuse et des décors typiques, le réalisateur américain se sent à l'aise dans l'univers d'Ellroy. Sa réalisation, toujours aussi fluide en termes artistiques, s'adapte avec succès à un univers pourtant éloigné de ses sensibilités habituelles, ce qui ne l'empêche pas de filer certains de ses thèmes de prédilection. On pense bien notamment à l'image de la femme fatale, qui trouve une incarnation duale à la fois chez la ravissante et sensible Kay Lake, mais également chez la redoutable Madeleine Linscott, toutes deux incarnées avec conviction par Scarlett Johansson et Hilary Swank. L'appropriation de l'univers passe aussi paradoxalement par une certaine prise de distance avec les personnages, qu'on ne nous présente jamais sous des traits excentriques, mais davantage sur un ton feutré, quitte à créer tout au long du film un éloignement irréductible entre le spectateur et les protagonistes, chose qui au demeurant ne dérange pas tant que ça, tant cette froideur trouve sa place dans ce dédale criminel glacial.

Ce portrait artistique ne saurait cependant combler une lacune majeure du Dahlia Noir : son intrigue presque incompréhensible. Si le film noir a toujours nécessité un certain effort intellectuel pour démêler le vrai du faux, on se retrouve ici en la présence d'un méli-mélo narratif insondable, ou du moins, à un storytelling très maladroit qui ne semble jamais mettre l'emphase au bon endroit, la faute peut-être au roman de James Ellroy, extrêmement difficile à adapter en à peine deux heures. A force de nombreuses apartés, de scénarios dans le scénario, d'une multitude de personnages et de mobiles, tout devient vite insipide. La dernière demi-heure est particulièrement éprouvante et s'impose comme un énorme bloc à déchiffrer à l'aune de l'heure et demie qui la précède, un exercice exigeant que De Palma peine à rendre agréable ou même ludique.

C'est vraiment dommage car les envolées virtuoses ne manquent pas dans Le Dahlia Noir, à l'instar de la scène de l'atrium, véritable escalade de tension. Mais c'est peut-être finalement cette difficulté à concilier ses aspirations artistiques très esthétiques et une intrigue plus calleuse que De Palma ne parvient jamais à surmonter, comme s'il y avait une dissension permanente entre ce que le réalisateur veut exprimer et la façon dont il exprime. Le puzzle est trop dur à reconstituer, parce que le spectateur ne trouve jamais ce point d'appui qui lui permet de progressivement s'élancer dans le récit. Il manque au film cette étincelle qui briserait son invincible armure, autour de laquelle gravite un De Palma pourtant toujours aussi à l'aise dans l'exercice de représentation.

Objet insondable, ce Dahlia Noir apparaît comme l’œuvre maudite de De Palma, peut-être trop élaborée pour séduire et sûrement trop emphatique pour que l'on se laisse prendre dans ses mystères. Le cinéaste réussit son pari purement cinématographique mais échoue dans l'exercice d'adaptation stricto sensu. Le long-métrage se révèle beau et frustrant à la fois, un peu à l'image du parcours de son géniteur, finalement.

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